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LES ORIGINES

   Dès sa création après la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement de la Yougoslavie a étroitement surveillé les nationalismes des peuples yougoslaves, craignant qu'ils puissent mener au chaos et à la dislocation de l'État fédéral. À la mort de Tito en 1980, cette politique prend une tournure dramatique. Les Serbes nationalistes, menés par Slobodan Milošević, cherchent à obtenir des changements structurels afin de favoriser les Serbes. Il en a résulté une montée en forte puissance et une réaction similaire des groupes politiques nationalistes parmi les autres peuples de la Fédération.

   Craignant une Yougoslavie dominée par les Serbes, la Croatie et la Slovénie déclarèrent leur indépendance en 1991. Le 1er mars 1992, le gouvernement de la république de Bosnie-Herzégovine tint un référendum sur l'indépendance. Les Croates de Bosnie-Herzégovine et les Bosniaques votèrent pour la plupart en faveur de l'indépendance, alors que les Serbes de Bosnie la boycottaient, la considérant comme anticonstitutionnelle. La Communauté européenne reconnut alors la Bosnie comme état indépendant le 6 avril.

   Avant tout acte officiel, la guerre avait commencé. 

LE SIÈGE

    Le premier incident de la guerre reste un point de controverse entre les Serbes et les autres groupes. Ce qui semble sûr, c'est que la guerre a commencé à Sarajevo. Les serbes affirment que le premier incident survint après l'assassinat de Nikola Gardović, lors d'un cortège de mariage serbe au premier jour du référendum, le 29 février 1992. Les bosniaques affirment que ce fut après plusieurs assassinats politiquement orientés dans le premier trimestre de cette année. Le début le plus largement admis de la guerre est le 5 avril. Le jour de la déclaration d'indépendance, des marches de paix massives eurent lieu dans la ville. À ce moment, des extrémistes serbes armés ouvrirent le feu sur la foule, tuant une personne. Cette personne, Suada Dilberović, est considérée comme la première victime de la guerre en Bosnie et du siège de Sarajevo. Aujourd'hui le pont où elle a été tuée porte son nom afin d'honorer sa mémoire.

    Le 6 avril 1992, un blocus complet de la ville fut officiellement établi par les forces serbes. Les routes principales menant à la ville furent bloquées, stoppant les envois de nourriture et de médicaments. L'eau, l'électricité et le chauffage furent coupés. Les forces serbes autour de Sarajevo, bien que mieux équipées, étaient numériquement inférieures aux défenseurs bosniaques retranchés dans la ville. Par conséquent, au lieu de tenter de prendre la ville, ils l'assiégèrent et la bombardèrent en continu pour l'affaiblir, sans quitter les collines.

    Pour contourner le blocus, l'aéroport de Sarajevo fut ouvert par les Nations unies au transport aérien en juin 1992.

C'est entre le second semestre 1992 et la première moitié de 1993 que le siège de Sarajevo connut son paroxysme. De nombreuses atrocités furent commises, et de violents combats eurent lieu au point que de nombreux analystes considèrent qu'il s'agit du siège militaire le plus meurtrier depuis le Siège de Léningrad. Les forces serbes bombardèrent continuellement les défenseurs de la ville. Certains serbes à l'intérieur de la ville se rallièrent à la cause des assiégés. La plupart des armureries et des approvisionnements militaires de la ville étaient sous le contrôle de serbes. Des tireurs isolés hantaient la ville. L’avenue principale de la ville était ainsi si dangereuse qu'elle fut surnommée Sniper Alley.

    Les défenseurs de la ville disposaient d'un armement inférieur aux assaillants. Il n'était pas rare que des pistolets soient fabriqués avec du matériel de récupération, tel que des tuyaux domestiques. Des opérations de reprise de positions serbes dans la ville ont considérablement aidé la cause bosniaque.

   Les bombardements ne firent pas d'exceptions ni de subtilités. En septembre 1993, les rapports ont conclu que pratiquement tous les bâtiments de Sarajevo avaient subi des dommages, et 35 000 ont été complètement détruits. Parmi ces bâtiments visés et

détruits figuraient des hôpitaux et des complexes médicaux, les sièges des médias et les centres de communication, les industries, les bâtiments gouvernementaux, les installations militaires et les centres des Nations unies. Parmi les destructions les plus importantes, il y eut le bâtiment de la présidence de la Bosnie-Herzégovine et la bibliothèque nationale, qui a brûlé avec des milliers de textes irremplaçables.

    En réponse à un massacre au marché de Markale, l'ONU imposa un ultimatum aux forces serbes pour retirer l'armement lourd au-delà d'une certaine limite dans un délai donné, sans quoi ils feraient face à une attaque aérienne.

   À la fin de l'ultimatum les forces serbes se conformèrent aux ordres. Le bombardement de la ville a alors considérablement diminué, ramenant l'espoir d'une issue proche. Un corridor humanitaire fut installé à la mi-1993, ce qui permit d'approvisionner la ville, bien que nul ne puisse en sortir. Ce corridor fut l'un des principaux moyens de contourner l'embargo international d'armes et de fournir aux défenseurs de quoi se défendre, ce qui a probablement sauvé Sarajevo.

    En 1993, alors que les forces serbes allaient parvenir à conclure l'encerclement de la ville au mont Igman, un tunnel passant sous la piste de l'aéroport de Sarajevo, alors zone neutre sous contrôle de l’ONU, permit aux forces bosniaques de contenir l'avancée serbe sur le Mont Igman et à de nombreux civils de quitter la ville assiégée. Encore visible aujourd’hui, ce tunnel passait sous l’aéroport pour relier le centre de Sarajevo à Butimir, petite localité au pied du Mont Igman.

   Les assaillants serbes tentèrent de l’anéantir à plusieurs reprises, soit en bombardant ses accès, soit en tentant de l’inonder en creusant un tunnel adjacent relié à la nappe phréatique. Sans ce tunnel, jamais les hommes, les vivres, les armes et les munitions nécessaires à la défense de la ville et à la survie de la population n’eussent pu y entrer.

    En 1995, les forces internationales se retournèrent fermement contre les attaquants, notamment lors du combat du pont Vrbanja à la suite de la prise en otage de plusieurs centaines d'observateurs de l'ONU. Les combats se poursuivirent et les Serbes perdirent progressivement du terrain. Le chauffage, l'électricité et l'eau furent rétablis en ville. Un cessez-le-feu fut décrété en octobre 1995, et les accords de Dayton furent ratifiés plus tard dans l'année, apportant la fin des hostilités, la stabilité et un retour à la normale. Le gouvernement de la république de Bosnie-Herzégovine déclara officiellement la fin du siège de Sarajevo le 29 février 1996. 

UNE VILLE EN RUINES

     Sarajevo a été fortement endommagée pendant ces quatre années. Le siège de Sarajevo est assurément la plus sombre période dans l'histoire de la ville. Avant la guerre, la ville était en forte période de croissance et de développement. En 1984 les Jeux olympiques d'Hiver ont rapporté une partie de la gloire qu'elle n'avait pas connue depuis la fin du XVIIe siècle. La guerre a stoppé tout ceci, laissant une ville en ruines. D'une population d'avant-guerre d'environ 500 000 habitants, la ville est passée à 250 000.

   Sarajevo était un modèle de relations inter-ethniques, mais le siège a engendré des bouleversements considérables. Sans compter les milliers de réfugiés qui quittèrent la ville, un nombre très important de serbes de Sarajevo s'exilèrent pour la République serbe de Bosnie. Le pourcentage de serbes dans la population totale de Sarajevo a chuté de plus de 30 % en 1991 à légèrement plus de 10 % en 2002.

    Depuis les années sombres du début des années 1990, Sarajevo a accompli des progrès énormes, et est sur le chemin du rétablissement comme capitale européenne moderne. En 2004, la majeure partie des dommages faits aux bâtiments pendant le siège étaient réparés, et les ruines et les impacts de balles sont devenus rares. La population métropolitaine était en 2002 d'environ 401 000 habitants, soit 20 000 de moins qu'en 1991. 

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